Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/95

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je battis la plaine toute la nuit, mais inutilement. Je ne devais retrouver lady Buttler que pour la voir périr sous mes yeux. Quant à mon fils, mon pauvre James, les infâmes l’ont sacrifié à leur divinité sanglante. Ni la mère, ni l’enfant n’auront même une sépulture chrétienne. Vous savez le reste. »

Et sir Edward Buttler, à bout de forces et de courage, se laissa retomber sur son siège en fondant en larmes.

On entendait dans l’auditoire épouvanté le bruit des sanglots, mais personne n’osait prononcer une parole.

— Nous comprenons votre douleur et nous la partageons tous, sir Edward, dit sir Monby, en cherchant vainement à rester maître de son émotion, et la cour vous autorise à vous retirer, car elle comprend qu’en ce moment la solitude doit vous être chère.

L’honorable officier remercia du geste et sortit escorté jusque sur le seuil de la salle par les regards sympathiques de toute la foule.

Puis, le calme s’étant peu à peu rétabli, le président ordonna d’introduire le second témoin.

— M. le président, dit l’attorney général, ce second témoin est un Français du nom de Hamel, mais son état de santé ne lui permet pas de paraître devant vous. J’ai là sa déposition qui renferme les plus grands détails ; si vous m’y autorisez, j’en ferai donner lecture.

— Parfaitement, répondit sir Monby ; que le premier clerc du secrétariat de la justice lise cette déposition.

L’attorney général fit passer immédiatement au fonctionnaire désigné par le président la déposition de ce second témoin, et le clerc commença en ces termes :


XI

LE RÉCIT D’ALPHONSE HAMEL.



Je me nomme Alphonse Hamel. Je suis né à Fontainebleau, près de Paris, et suis voyageur de commerce.

« Mes affaires m’appelaient à Calcutta, et le navire qui m’avait amené de France, continuant sa route vers les mers de Chine, m’avait laissé à Malacca, où je devais attendre le passage d’un bâtiment qui allât au fond du golfe du Bengale. Après trois jours de repos, je fus prendre des informations au consulat français.

« — Nous attendons d’un instant à l’autre le passage de la malle anglaise qui va droit sur Calcutta, me dit le chancelier, c’est une affaire de patience, deux jours peut-être, une semaine au plus.