Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/180

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Ces juges la prenaient donc pour une fille, pour une marâtre ? Qu’allait devenir loin d’elle, sans ses baisers, ce petit être de deux ans à peine ? Et elle le pressait sur son cœur, l’inondait de ses larmes, le dévorait de caresses, jurait qu’on ne le lui arracherait qu’avec la vie.

Ce fut toute la soirée une scène navrante, malgré les efforts que fit Mme Bertin pour la consoler, et lorsque, la nuit étant venue, la jeune mère fut seule dans sa chambre, elle coucha le bébé dans son lit, laissa reposer sur sa poitrine sa petite tête blonde et ne s’endormit qu’en l’entourant de ses bras, de peur qu’on ne le lui volât pendant son sommeil.

Le lendemain, la veuve de l’universitaire trouva sa nièce brisée par la douleur et la fatigue, mais plus calme. Elle vit immédiatement, à l’expression de son visage, qu’elle s’était armée d’une énergie nouvelle.

— Vois-tu, dit-elle à sa tante, ce qui est arrivé était fatal. C’est Dieu qui veut qu’il en soit ainsi ! Me Mansart n’obtiendrait rien de la Cour d’appel, car après le silence qu’il a gardé, à ma prière, sur ce qu’on nomme ma faute, ce silence demeurera comme un aveu ! Tous les moyens de défense qu’il pourrait employer ne serviraient de rien. J’ai bien réfléchi : je n’ai plus qu’à me soumettre et à abandonner la lutte.

— Cependant, ma pauvre chérie, la honte, la prison !

— La honte serait d’être coupable et tu sais bien