Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/212

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une vie commune dont un amant avait toutes les charges. Elle avait donc applaudi à cette installation, qui sauvegardait les convenances, puisque, tout en vivant sous le même toit, chacun d’eux avait son chez soi, son domicile légal.

C’est là que la guerre les avait surpris en plein bonheur, en parfaite quiétude. Ils n’avaient plus entendu parler de M. Noblet ni de son beau-père.

C’était seulement par Mme  Bertin, à qui on en envoyait de Londres, que la jeune femme recevait des nouvelles de son fils.

Les souffrances du siège auraient encore resserré, si cela eût été possible, le lien qui les unissait, car les angoisses patriotiques leur avaient prouvé ce qu’ils valaient tous les deux. Pendant que Ronçay faisait bravement son devoir de soldat dans un bataillon de marche, son amie, vaillante, qui l’avait vu partir sans verser une larme, mais résolue à mourir s’il mourait, avait donné l’exemple du dévouement et du courage dans les ambulances.

C’est là enfin qu’un jour, la femme séparée du libraire de Coventry avait donné le jour à une fille, qu’elle avait appelée Blanche, en souvenir de sa sœur morte par le couvent, comme elle avait appelé Robert son fils, en mémoire de son frère mort par le suicide. Mais elle avait dû se résigner à ne pas déclarer cette enfant sous son nom, puisque c’eût été provoquer de la part de son mari le scandale d’un désaveu de paternité ; et Gilbert ne l’avait pas non plus reconnu, pour suivre le conseil de Me  Mansart.