Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/224

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— Je lui parlerai de telle sorte qu’il ne s’y opposera pas. De plus, j’ai des amis qui plaideront ma cause, le docteur Bernel, le premier, et tous ceux qui s’étonnent que je ne mette pas à profit les dispositions qu’on me reconnaît. Qui sait même si parfois on ne m’a pas complimentée sur ces dispositions-là dans le seul but de me faire comprendre ce que mon père m’a si cruellement jeté au visage ?

— Oh ! ce n’est pas possible !

— Voyons, ma bonne tante, est-ce que ce n’est pas mon devoir d’agir comme je veux le faire ? Est-ce que je puis être une femme… comme me l’écrit M. de Tiessant ? Ah ! si je n’étais pas jeune et bien portante, si j’avais autour de moi des enfants auxquels mes soins fussent nécessaires, si j’étais utile à M. Ronçay, certes, il en serait tout autrement, et je t’assure que je n’éprouverais aucune humiliation à considérer sa fortune comme mienne. Je ne lui ferais pas l’outrage de compter ce qu’il me donnerait. Je jugerais qu’il n’y a entre nous qu’un échange de protection et de tendresse, qu’une communauté d’existence où chacun apporte tout ce qu’il a. Mais il n’en est pas ainsi, et…

— Alors, viens ici, chez moi, avec ta fille.

— Tu sais bien que ce n’est pas possible ! Avec cela que je ne t’ai pas déjà causé assez de tourments ! Sans compter que si je venais demeurer ici mon père ne manquerait pas de t’accuser d’approuver ma conduite. De plus, si je quittais le boulevard des Invalides, je ne pourrais em-