Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/229

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gorges et des torrents sans ponts les avaient éloignés, ils traversaient parfois des landes nues, des plateaux pelés, des terres en friche, couvertes de broussailles et d’ajoncs, des sortes de déserts enfin, qui leur faisaient paraître plus grandiose encore le spectacle de l’Océan lorsque, de nouveau, il leur était donné.

Ils passèrent ainsi par Saint-Enogat, Saint-Lunaire, Loncieux, Trégon et une foule de petites localités dont la spéculation ne s’était pas encore emparée pour les transformer en stations balnéaires ; puis ils gagnèrent, par Matignon, la baie de la Frenay et arrivèrent enfin un soir au-dessus d’Erquy, à Plouenec, petit village dont les maisons se groupaient sur une grève en miniature, à l’abri de l’une des gigantesques falaises, coupées à pic, du promontoire qui se termine par le cap Fréhel.

La maîtresse de Gilbert ne pouvait espérer plus complète réalisation de son rêve ; nulle part, elle n’aurait trouvé côte plus sauvage, plus inconnue, plus au bout du monde, plus déchirée par les incessantes tempêtes.

Ce n’étaient, aussi loin que pouvaient s’étendre ses regards, que rochers ébranlés par les flots, récifs émergeant de la mer en formes fantastiques, gouffres et tourbillons vertigineux, au-dessus desquels volaient des myriades d’oiseaux aux larges envergures.

Éva supplia Ronçay de ne pas aller plus loin ; il y consentit volontiers. Lui aussi était un poète.