Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/23

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elle allait en tout aux extrêmes, au gré de son imagination vagabonde ; ne conservant au milieu de ces états divers que trois sentiments immuables qui dominaient tous les autres et résistaient aux plus violents orages de son existence fiévreuse : une franchise souvent cruelle qui lui rendait odieux le mensonge et l’hypocrisie ; une ambition démesurée de parvenir, pour briller et ne devoir rien à personne ; une jalousie à ce point sauvage, irraisonnée, fusion des frémissements passionnels de sa chair et des révoltes de son cœur contre tout partage, qu’elle pouvait la conduire à un crime envers elle-même ou contre autrui. Elle voulait que celui qu’elle aimait fût tout à elle, comme elle était tout à lui, corps et âme.

Telle à peu près était Éva dès le début de sa liaison avec Gilbert, telle elle était restée à travers les événements les plus douloureux de sa vie, telle elle était encore à cette heure même où son exaltation et aussi peut-être son orgueil, plutôt encore que la terreur d’une fin prochaine, lui faisaient rêver le retour, par la bénédiction du chef de l’Église, à la pureté de son enfance.

Les souffrances que lui causait depuis plusieurs mois une maladie implacable, dont la science tentait vainement d’entraver la marche, et les tortures de l’âme qui résultaient de la conscience qu’elle avait de son état, dont elle s’exagérait encore la gravité, avaient à peine creusé ses joues et bistré ses paupières, tant elle luttait avec énergie pour défendre sa beauté.