Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/249

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tès dans les termes les plus bienveillants, et le soir de sa première apparition, lorsqu’on la vit arriver si jolie, si élégante dans son rôle d’Angélique, de Georges Dandin, le murmure flatteur qui l’accueillit l’encouragea si bien qu’elle fut absolument charmante. Séance tenante, on la sacra comédienne et on lui prédit un brillant avenir.

Mlle de Tiessant avait eu cependant une horrible émotion, et il s’en était fallu de peu qu’elle ne se sauvât dans la coulisse. Tout d’abord, en entrant en scène, elle n’avait distingué personne, puis, l’éblouissement que cause pendant quelques instants la rampe à l’acteur s’étant dissipé, elle avait reconnu son père et M. Noblet à l’un des premiers rangs des fauteuils d’orchestre.

C’était le publiciste qui, furieux de la détermination prise par sa fille et surtout peut-être de son silence obstiné envers lui, avait entraîné son gendre à l’Odéon dans l’espoir qu’à la vue bien inattendue de son mari, la débutante, femme adultère au théâtre comme dans la vie privée, serait saisie d’une telle peur qu’elle ne pourrait plus dire un mot et se perdrait ainsi, du premier coup, dans l’esprit de ceux qui étaient venus pour la juger.

Le contraire s’était produit. Déjà la maîtresse de Ronçay n’était plus l’enfant timide et craintive que le père et l’époux avaient fait trembler si longtemps. Son séjour à Plouenec avait précipité sa transformation. C’était une femme qui commençait sa lutte pour la vie.