Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/31

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cessantes des nuages aux découpures jaunâtres que zébraient les éclairs, quand la femme de chambre, qui avait dû l’appeler deux fois avant d’être entendue, lui répéta :

— Monsieur, il faut aller vous habiller ; madame va être prête.

— Ah ! c’est vrai, c’est vrai, fit-il, avec un sourire amer, moi aussi, je suis de l’audience. Oh ! je ne serai pas long !

Et il sortit pour passer chez lui — il habitait au même étage, porte à porte, un appartement particulier — pendant que Jeanne murmurait :

— Pauvre garçon ! Des deux, c’est encore le plus à plaindre. Ah ! comme madame a raison de l’adorer !

Cette Jeanne, Bretonne de Morlaix, était une fort jolie fille de vingt-cinq ans, honnête, travailleuse, adroite, ne connaissant personne de comparable à ses maîtres. Elle était à leur service, ou plutôt au service d’Éva, depuis son arrivée à Paris. Après avoir été témoin des luttes douloureuses de la jeune femme contre sa destinée, elle lui avait voué une tendresse aveugle de sœur aînée. Elle l’accompagnait toujours dans ses voyages.

Pour Jeanne, il n’y avait pas de comédienne supérieure à sa maîtresse, ni d’artiste de plus grand talent que Ronçay. Elle les aimait également, d’une affection si complète qu’elle eût certainement pris en haine celui des deux qui eût rendu l’autre malheureux.

Au contact de ces deux intelligences d’élite, cette