Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/320

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Et puis mourir, ce serait laisser seul Gilbert, qui l’oublierait un jour dans les bras d’une autre, une autre qu’il aimerait comme il l’avait aimée !

Alors, sous l’empire de cette terreur, sa jalousie prenait une forme passionnelle, sauvage. Dans ces moments-là, elle projetait d’empoisonner son amant en même temps qu’elle s’empoisonnerait elle-même. Cependant, bientôt, le calme lui revenait ; cette idée atroce faisait de nouveau place en son âme à la résignation, et c’était presque toujours, son doux sourire aux lèvres, que la trouvaient ses amis.

Néanmoins Jeanne, qui, en quelque sorte, ne quittait sa maîtresse ni jour ni nuit, finit par s’apercevoir de ses longs accès de tristesse et d’exaltation. Elle en fit part à Bernel. Celui-ci observa Mlle de Tiessant, comprit de quelle lutte son esprit était le siège, et un matin qu’il se trouvait seul avec elle, il lui dit amicalement :

— Vous savez que je ne suis pas content de vous.

— Pourquoi donc, mon bon docteur ? fit Éva, toute surprise.

— Parce que vous ne suivez qu’à demi le traitement que nous vous avons ordonné.

— Oh ! par exemple !

— Sans aucun doute ! Je vous ai recommandé surtout de chasser les papillons noirs, de vous laisser vivre, de ne pas penser même, si c’est possible. Or plus la santé vous revient, car elle vous revient, plus, au contraire, vous vous laissez abattre et don-