Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/319

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mort ne serait pas de longue durée et qu’elle devait à Dieu ce sacrifice.

Mais voilà que le cri qu’elle avait jeté le soir même de son arrivée à la campagne : « Si j’allais ne pas mourir ! » semblait être une prophétie, grâce à l’influence bienfaisante d’un milieu nouveau.

Alors que deviendraient-ils, Gilbert et elle, si cette prophétie se réalisait ? Gilbert surtout, jeune, ardent, qui n’avait fait aucun vœu, lui, et pouvait aimer encore, aimer une autre femme !

Ne serait-ce pas son droit, puisque, restée belle et désirable, elle devrait se refuser à lui, à lui qu’elle adorait toujours, elle le sentait bien, ce qui rendait sa jalousie plus douloureuse encore ?

Est-ce que la mort n’était pas préférable à l’existence horrible que lui réservait son retour possible à la santé ! Car elle n’admettait pas qu’elle pût jamais songer à oublier son serment.

Rien ne lui était plus facile que de mourir !

Elle avait rempli de morphine un petit flacon de cristal qui ne la quittait pas. Le jour où le supplice serait au-dessus de ses forces, elle viderait ce flacon entre ses lèvres, et ce serait fini : elle s’endormirait de l’éternel sommeil !

Mais cette pensée que la malheureuse nourrissait souvent, elle la repoussait aussitôt avec horreur, en se rappelant que la religion défend le suicide, que déjà son frère avait mis fin à ses jours et qu’elle avait entendu dire à cette époque que se tuer c’est commettre une lâcheté.