Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/63

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elle aussi, c’est la dernière, nous serons seuls, tout seuls !

— N’est-ce point la loi naturelle en même temps que la loi de Dieu ! Allons, je compte sur toi !

Et il sortit rapidement.

Mme  de Tiessant courut rejoindre sa fille et, la prenant sur ses genoux, la serrant contre son cœur, buvant ses larmes silencieuses, cessant d’être épouse pour ne plus être que celle qui a donné la vie, elle répétait :

— Mon Dieu, quelle faute ai-je donc commise pour que vous m’enleviez si vite la seule qui me restait !

Le corps secoué par d’horribles contractions, ses bras noués autour du cou de sa mère et les lèvres contre ses lèvres, comme pour confondre son âme avec la sienne, Éva redisait sans cesse, machinalement, toujours en proie à son rêve d’épouvante :

— Non, oh ! non, n’est-ce pas ?

Mais entre un homme violent, volontaire, aigri par le malheur, et deux êtres faibles, aimants, accoutumés à l’obéissance, la lutte ne pouvait être longue !

Fort habilement, le publiciste laissa à sa fille le temps de se remettre de sa première émotion ; puis bientôt il commença à la plaisanter avec esprit sur cette terreur, simplement nerveuse, disait-il, qui s’était si subitement emparée d’elle. Il l’excusa même de l’avoir ressentie. Cela prouvait sa sensibilité, sa naïve ignorance du rôle de la femme dans la société, son amour filial, qui se désespérait à la pensée de quitter le toit paternel, son effroi tout