Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/70

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odieux. Elle avait le sentiment d’être digne d’un autre rôle ; elle était humiliée, dans son amour-propre, d’être si peu.

Pendant quelques semaines, elle dissimula de son mieux ; mais un jour que sa mère la trouva tout en larmes, elle lui avoua qu’elle se sentait malheureuse à ce point que la mort lui semblait préférable à une semblable existence.

Mme de Tiessant, dont la vie conjugale avait été faite d’abnégation et de sacrifice, tenta de calmer sa fille, mais elle y parvint si peu que la jeune femme était résolue à quelque coup de tête, lorsqu’elle devint enceinte.

Sa grossesse lui inspira d’abord une sorte de honte ; puis, comprenant bientôt qu’elle lui imposait d’impérieux devoirs, elle se résigna, et quand, huit mois plus tard, elle eut mis au monde un fils qu’elle nomma Robert, en souvenir de son frère mort si tragiquement, et qu’elle devait allaiter elle-même, son mari l’exigeait, la maternité la sauva momentanément du désespoir.

Elle ne pouvait d’ailleurs faire aucun reproche sérieux à M. Noblet. Resté tel qu’il était avant son mariage : Anglais par les habitudes, le décorum, le kant exagéré et quelque peu hypocrite, il se montrait même parfois galant, en sa qualité de Français ; mais ses galanteries mêmes augmentaient encore la répugnance physique invincible que sa femme éprouvait pour lui, répugnance qu’elle s’efforçait de cacher, par pitié, orgueil et pudeur, mais qui lui arrachait,