Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/72

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prendre à lui de cette persistance du mauvais sort, il s’en prit aux autres, accusa le ciel et devint plus despote, plus acariâtre encore que par le passé.

Il refusa sèchement à Mme  Bertin, qu’il détestait parce qu’elle ne lui avait jamais ménagé les plus sévères vérités, de s’installer chez lui pour soigner sa sœur. Il lui permettait à peine de passer quelques moments tous les jours auprès d’elle.

Quant à Mme  de Tiessant, elle ne devait pas même avoir la consolation d’embrasser ses deux filles avant de mourir. La règle des Augustines ne permettait pas à Blanche de franchir la porte du couvent ; elle était à jamais séparée du monde ; peut-être ne lui serait-il rien dit de la mort de sa mère que ces paroles vagues et cruelles que la supérieure prononcerait un jour du haut de sa chaire : « Une de vous, mes sœurs, vient de perdre sa mère ; prions pour le repos de son âme. »

Appelée par un mot de son père, Mme  Noblet seule arriva donc à Paris. Si la mourante avait pu lire sur la physionomie de sa fille, elle eût été épouvantée du changement qui s’était fait en elle depuis quelques mois.

La maternité n’avait enlevé à Éva rien de sa beauté virginale ; elle paraissait toujours aussi jeune, et peut-être était-elle plus jolie encore ; mais parfois d’étranges éclairs s’échappaient de ses grands yeux, qui jadis n’avaient que de limpides regards ; un sourire ironique, douloureux, amer, s’esquissait à la commissure de ses lèvres, et sa voix était souvent dure