Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/9

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sur ce terrain du cœur, qui en voit naître une nouvelle pour chacun de ses besoins. Si j’avais une critique à vous faire, puisque c’est une critique que vous m’avez demandée, je vous adresserais peut-être celle de ne pas avoir assez insisté sur cette situation, de ne pas nous avoir assez montré la passion conduisant une femme à un acte qui semble d’abord le plus invraisemblable de la part d’une jalouse. Que de choses à dire sur cet état de l’âme où la question des sens devient si secondaire que les délicatesses même élémentaires disparaissent devant l’amour.

Je sais bien que le sujet était scabreux. Mais de quoi ne se tire-t-on pas avec une plume habile que l’expérience guide et que le respect du lecteur arrête quand il faut ? En cas pareil, il faut se souvenir de l’histoire de Cellini, à qui un orfèvre montrait un coffret dont on ne voyait pas la serrure. « Je la cache, disait-il triomphant. » Et Cellini lui répondait avec fierté : « Moi, je la cisèle. »

Savez-vous bien, d’ailleurs que l’audace inspirée à votre touchante Éva par la passion, Balzac, dans sa Physiologie du mariage, la recommande aux femmes qui veulent assurer à elles-mêmes la liberté et l’impunité de leurs amours ? En retrouvant ce souvenir, cette analogie lointaine et retournée, je ne pouvais m’empêcher de comparer l’esprit apporté par Balzac dans les analyses de l’amour à celui de nos romanciers, au vôtre, que je ne veux pas mettre seul en