calme d’un cloître et tous les froissements d’une position subalterne pour mieux atteindre son but ; et c’était au moment où, grâce à la mort de Mme de Serville, elle pensait y toucher, que tout s’écroulait autour d’elle.
— Quelle révélation ?… quel secret ?… répétait-elle, après avoir relu de nouveau ces fatales lignes. Sait-il que Justin ?… Non, rien dans cette lettre ne me le fait supposer. De quoi donc veut-il parler ? Qu’est-ce qui me sépare de lui ? Parce que je suis un enfant trouvé ? Armand ne l’ignorait pas. Vingt fois il m’a dit : « Tant mieux, je serai ta seule famille. » Mais alors, quel est ce mystère que m’a caché Mme de Serville pour s’en faire plus tard une arme si puissante ? Oh ! à tout prix je veux le connaître ! À qui le demander ?
Et des larmes de colère s’échappant de ses yeux, elle sauta en voiture pour ne pas se donner en spectacle aux passants.
Puis, tout à coup, elle s’écria :
— Oui, c’est cela, Françoise Méral, ma sœur de lait. Oh ! ma mémoire est fidèle et je vois encore la maison que nous habitions à Reims, dans le faubourg, tout près du cimetière. C’est là que Mme de Serville est venue me chercher un soir. Le peuple criait, je ne sais pourquoi. Le père Méral et son fils Pierre, le bossu, avaient battu quelqu’un. J’avais peur ! Que sont-ils devenus ? Retrouverai-je Françoise ? Il le faut cependant.
Ces réflexions avaient conduit Jeanne jusqu’à la porte du couvent, où elle rentra, ne portant sur son visage que l’expression de la douleur que devait lui causer la mort de sa bienfaitrice, mais décidée à mettre sans retard à exécution, son projet d’aller à Reims.
Une lettre qu’elle reçut le lendemain lui fournit l’occasion de faire ce voyage sans éveiller le moindre soupçon.
Le notaire de la famille de Serville lui écrivait qu’il avait une chose importante à lui communiquer, et lui demandait s’il lui était possible de se déplacer, où s’il lui convenait mieux d’attendre son premier passage à Douai.
Mlle Reboul consulta la supérieure, en ne manquant pas de lui dire combien elle serait heureuse d’aller prier sur la tombe de sa bienfaitrice, et la religieuse l’autorisa à partir aussitôt qu’elle le voudrait.
— Allez remplir ce pieux devoir, ma fille, ajouta-t-elle, et revenez vite parmi nous, qui vous conservons une place dans notre cœur.
Le lendemain même, Jeanne partit pour Reims. Ce fut seulement en y arrivant qu’elle se souvint que son fils était chez une brave femme des environs.
Depuis le jour où Mme de Serville lui avait enlevé son enfant pour le mettre en nourrice, Mlle Reboul ne l’avait pas revu. Si sa pensée s’était parfois tournée vers lui, c’est qu’elle le considérait comme un gage des promesses d’Armand.
Quant à l’amour maternel, l’odieuse créature l’ignorait ; il n’y avait de place en son cœur que pour l’ambition.
Sa première visite fut pour le notaire de la famille de Serville.
L’officier ministériel la reçut très poliment ; puis, sans phrases, en style d’affaires, il lui fit part des dispositions prises par la défunte.
Mme de Serville laissait à Mlle Reboul 4.000 francs de rente, réversibles sur la