Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tête de son fils ; mais si cet enfant cessait de vivre et si sa mère voulait entrer au couvent, la donatrice l’autorisait à prélever une dot de dix mille francs sur le capital.

— Ce n’est pas tout, mademoiselle, poursuivit le notaire ; M. Armand de Serville m’a chargé de vous compter une somme de vingt mille francs ; je tiens cet argent à votre disposition. Il désire de plus que je me mette en rapport avec la femme Sauvière, du village de Cormontreuil, chez laquelle votre fils est en nourrice, afin de m’assurer régulièrement des soins qui lui sont donnés.

— Vous n’avez pas d’autre communication à me faire ?

— Aucune, mademoiselle.

— M. de Serville ne vous a pas dit pourquoi il veut quitter la France ?

— Non, je sais seulement qu’il part, ou plutôt qu’il est parti, car il s’est embarqué ce matin à Marseille.

Jeanne dut faire appel à toute sa volonté pour dissimuler l’émotion que lui causait la certitude de l’éloignement d’Armand. Elle avait espéré jusque-là qu’il n’aurait pas le courage de s’expatrier sans lui dire adieu, et elle apprenait qu’il était déjà loin.

— C’est fort bien, monsieur, dit-elle au notaire d’une voix parfaitement calme ; il ne me reste à vous demander qu’une seule chose : Savez-vous si la famille Méral, où m’a trouvée Mme  de Serville, habite toujours Reims ?

— La famille Méral !

— Oui ; elle se composait du père Méral, de son fils, un garçon contrefait, et d’une jolie fille, Françoise, ma sœur de lait, que je voudrais revoir.

— J’ignore tout à fait, répondit l’officier ministériel avec une sorte d’embarras qui surprit la jeune fille, ce que sont devenus ces gens-là, et si vous me permettez de vous donner un conseil…

— Certainement, monsieur.

— Je vous engage à ne pas vous mettre à leur recherche, d’oublier que vous les avez connus.

— Pourquoi ?

— Leur réputation était détestable et ils ont quitté la ville depuis longtemps déjà.

— Je vous remercie, monsieur. Ayez maintenant la bonté de me donner cinq mille francs et de conserver le restant de la somme que vous avez à ma disposition.

Le notaire s’exécuta aussitôt. Il remit de plus à Mlle  Reboul un reçu de l’argent dont il restait le dépositaire, et la jeune fille quitta l’étude.

Mais ce fut, au lieu de rentrer à son hôtel, pour suivre le boulevard extérieur, en se dirigeant vers le faubourg.