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Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/152

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IX

Après une année.



Lorsque M. de Ferney revint à Paris, plus épris peut-être encore qu’au moment de son départ, son premier souci fut de vouloir donner à sa femme un appartement, digne d’elle ; mais, par un sentiment que son mari jugea une extrême délicatesse, Jeanne le pria instamment de ne pas la forcer d’abandonner la chambre qu’elle avait occupée dès son entrée à l’hôtel de Rifay.

M. de Ferney y consentit, à la seule condition que cette chambre serait entièrement restaurée et deviendrait la pièce la plus élégante de la maison.

Il voulait que les murailles en fussent revêtues des plus riches tentures, que le plafond y fût peint par un des maîtres de l’époque, que les parquets y disparussent sous les tapis les plus soyeux.

Les ouvriers se mirent aussitôt à l’œuvre. La nouvelle souveraine de l’hôtel de Rifay devait les surveiller pendant que le magistrat serait au Palais.

Il y avait déjà plusieurs jours que les travaux étaient commencés, lorsque Mme de Ferney arriva chez elle au moment, où le menuisier chargé de cette besogne nivelait le parquet.

— Tiens, que c’est drôle ! dit cet homme, qui se parlait à lui-même et n’avait pas vu la maîtresse de la maison, voilà une feuille tout à fait détachée.

Glissant alors un ciseau à froid dans la rainure du plancher, il souleva, le long du mur, un morceau d’un mètre carré qui reposait bien sur les lambourdes, mais n’y était pas fixé solidement.

Jeanne ne l’avait jamais remarqué tout à la fois à cause du tapis qui recouvrait le parquet et parce que cette feuille se trouvait placée presque sous son lit. En dessous, il n’y avait rien que l’intervalle vide séparant les poutres qui traversaient cette partie de la construction.

— Sapristi ! ce serait une vraie cachette tout de même, poursuivit l’ouvrier en se mettant en mesure de consolider cette partie du plancher.

Et comme il s’était relevé pour prendre les outils nécessaires, il vit la jeune femme qui s’était vivement rapprochée.

— Comment, lui dit-elle, vous n’avez pas encore fini ?

— Pardon, madame, répondit-il, je n’ai plus qu’à fixer cette feuille, mais je n’ai pas de clous assez longs ; je vais en chercher.