Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/224

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La balle, en effet, avait traversé le poumon gauche et s’était arrêtée contre les os de l’omoplate. Tenter de l’extraire était impossible. Le praticien se trouvait en présence de l’un de ces cas où la science en est réduite à l’expectative.

Il était donc bien difficile au médecin de s’expliquer franchement.

— Pourquoi hésitez-vous ? reprit le malade avec un triste sourire ; je vous en supplie.

— Je n’hésite pas, cher monsieur, répondit M. Dessart ; je vais vous dire la vérité, à la condition toutefois que vous suivrez rigoureusement mes prescriptions.

— Je vous le promets.

— Eh bien ! votre état est grave, mais nullement désespéré. S’il ne survient aucune complication, votre guérison peut même être assez rapide. Mais il faut que vous vous absteniez de toute émotion et de toute fatigue. Il est nécessaire, indispensable, que vous gardiez le silence et l’immobilité. Usant du droit que vous m’avez donné, je vais défendre absolument votre porte pour qui que ce soit.

— Je ne vous demande grâce qu’en faveur du prêtre que j’ai envoyé chercher.

Pour obéir déjà aux ordres du docteur, M. de Ferney avait prononcé cette phrase à voix basse.

— Soit ! fit après une certaine hésitation le médecin, qui était un peu sceptique, bien que vous puissiez attendre, je vous en donne ma parole.

— L’abbé Colomb n’est pas seulement un prêtre pour moi, docteur ; c’est un confident, un ami, dont je n’aurais pas dû repousser les conseils. Tenez, c’est lui, sans doute.

Avec l’acuité des sens que possèdent ceux qui souffrent, M. de Ferney avait entendu ouvrir et fermer la porte de l’hôtel.

En effet, quelques minutes après, le vénérable abbé franchissait le seuil de la chambre.

Le docteur salua le vieillard, recommanda encore le calme à son malade et sortit.

Un moment de silence régna d’abord entre ces deux hommes qui avaient tant de choses à se dire.

Le prêtre fixait de son doux regard ce père qu’un amour fatal avait perdu et auquel sa présence rappelait un si douloureux passé.

Puis il leva les yeux au ciel et s’approcha du blessé, les bras étendus, comme pour le bénir.

L’infortuné, d’ailleurs, n’avait-il pas assez souffert ; ses fautes ne lui étaient-elles pas déjà pardonnées par le juge devant lequel il allait peut-être bientôt paraître ?

— Ce n’est pas encore au ministre de Dieu que je désire parler, dit M. de