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Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/256

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II

Lord Rundely.



Le petit hôtel qu’habitait Jeanne Reboul était une de ces demeures élégantes et confortables que Londres tient toujours à la disposition des étrangers.

Il se composait, au rez-de-chaussée, d’un salon d’attente, d’une salle à manger et d’un office ; au premier étage, d’un boudoir et de deux salons. C’est au-dessus que se trouvaient les chambres à coucher.

Tout cela avait été luxueusement meublé par le propriétaire de l’immeuble, un des grands tapissiers de Londres.

C’était en quittant Clarendon-hôtel, où elle était descendue pour n’y demeurer que soixante-douze heures, que notre héroïne s’était installée à Thurloe square, une quinzaine de jours peut-être avant la soirée de Covent-Garden, où Justin Delon l’avait reconnue.

D’où venait Jeanne Reboul ? Personne ne le savait.

Elle avait signé son bail : « comtesse Vanda Iwacheff », et n’était accompagnée que d’une seule femme de chambre, toute jeune fille, Russe d’origine, qui ne comprenait pas un seul mot d’anglais.

En moins d’une semaine, Jeanne, car nous lui conserverons ce nom, monta complètement sa maison, mais elle continua cependant à vivre en recluse, jusqu’à ce soir où nous l’avons retrouvée à la représentation de Covent-Garden, à laquelle, on peut aisément le deviner, elle ne s’était pas rendue sans but bien arrêté dans son esprit.

Mais, avant d’aller plus loin, nous devons dire rapidement ce qu’avait fait Mme de Ferney depuis ce jour où, vaincue par M. Dormeuil, forcée de s’exiler, elle avait dû quitter la France, le cœur gonflé de haine ; haine qui devait s’accroître en raison même de l’impuissance de celle qui en était possédée.

La sœur de Françoise Moral se réfugia d’abord à Bruxelles, où, sept mois plus tard, lorsqu’elle accoucha d’une petite fille, elle eut soin de déclarer cette enfant avec toutes les formalités exigées par la loi, afin de sauvegarder ses droits dans l’héritage de M. de Ferney.

Sachant que le désaveu d’un enfant adultérin ne peut être poursuivi que par l’époux, et rien, d’ailleurs, ne pouvant prouver que cette fille ne fût pas de son mari défunt, elle était sans inquiétude sur l’avenir de ce petit être, qu’elle ne considéra d’abord que comme un instrument de fortune nouvelle pour l’avenir.

Elle ne fit donc pas même part de sa naissance à M. Dormeuil, se réservant de