Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/278

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— Vous lui direz que vous voulez retourner en France pour des raisons politiques. L’opposition s’agite contre l’Empire, qu’il déteste ; cela lui semblera tout naturel ; et lorsque vous serez libre, vous attendrez dans un hôtel, à Panton hôtel, Panton street, par exemple. Je sais que c’est là que descendent beaucoup de républicains français. Vous y attendrez que je vous écrive de venir. Jusque-là, mettez ordre à vos affaires à Londres, car vous partirez pour Paris dans quelques jours. Lorsque nous nous reverrons, je vous donnerai mes instructions. Vous me promettez de m’obéir aveuglément ?

— Je vous le jure. Tenez, Jeanne, pardonnez-moi !

En disant ces mots, il lui tendait le reçu qu’elle lui avait fait de la somme envoyée par son amant. Elle le prit avec un sourire et en haussant les épaules, puis elle sonna et, lorsque Sonia fut entrée dans le boudoir, elle offrit amicalement la main à Delon, en disant à sa femme de chambre :

— Reconduis monsieur et, quand il reviendra à l’hôtel, tu le feras monter de suite.

Stupéfaite de la façon dont sa maîtresse se séparait de l’homme qu’elle avait dû prendre pour un ennemi, la jeune Russe n’en obéit pas moins. Elle se disait que, ne comprenant pas l’anglais, elle avait sans doute mal interprété la scène qui s’était passée sous ses yeux ;

Quant à Justin, se demandant s’il rêvait où s’il était vraiment éveillé, affolé plus que jamais, il promit une dernière fois à la terrible charmeresse d’être son esclave, et suivit Sonia.

— Le voilà bien tel qu’il me le faut, pensa Mme de Ferney lorsqu’elle fut seule ; dans quarante-huit heures il partira pour Paris, et, dans moins d’une semaine, je saurai à quoi m’en tenir sur l’hôtel de Rifay. Effaçons d’abord ce point noir ; je songerai ensuite à la vengeance.


IV

L’Expédition de Justin.



Le lendemain de cet étrange rapprochement des deux anciens amants, lord Rundely, qui en était l’auteur bien involontaire, revint à Londres, et Delon lui fit part, avec l’expression de tous ses regrets, de l’obligation où il se trouvait de retourner en France. Il y était appelé, dit-il, en même temps par des intérêts de famille et pour des raisons politiques.