Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le membre du Parlement, bien que son secrétaire lui fût fort utile, ne chercha pas à le retenir ; il le força même d’accepter une gratification de cent livres, et Justin alla s’installera l’hôtel Panton, qu’il connaissait depuis longtemps.

C’était bien là, en effet, ainsi que le lui avait dit Jeanne, que descendaient les républicains français qui venaient visiter Londres, pour conspirer contre l’Empire, c’est-à-dire contre la France, avec les condamnés politiques et autres que l’Angleterre accueille si aveuglément.

Mais Delon ne chercha pas, dans la soirée, à rencontrer Manouret. Bien que Mme  de Ferney ne lui eût rien dit à ce sujet, par cette excellente raison qu’elle ignorait que ces deux hommes s’étaient retrouvés, il avait résolu de ne pas parler à son ami de sa visite à Thurloe square.

Tout entier au lâche esclavage qu’il avait accepté, il craignait déjà de nuire aux intérêts de celle qui l’avait si puissamment courbé sous le joug.

Le lendemain soir, il reçut un mot de Jeanne, qui lui ordonnait de venir chez elle le jour suivant, dans la matinée.

On pense s’il fut exact à ce rendez-vous.

— Allons, voilà qui commence à merveille, lui dit la maîtresse de lord Rundely en le recevant dans ce même boudoir où s’était passée, trois jours auparavant, la scène que nous avons racontée ; vous ne vous faites pas attendre.

— Je vous ai juré que je serai toujours a vos ordres, répondit le malheureux en se précipitant sur la main que sa dominatrice lui tendait. J’ai quitté ma situation ; je ne suis plus qu’à vous !

— Eh bien ! mon ami, vous partirez aujourd’hui même pour Paris. Aussitôt arrivé, vous vous informerez de l’époque à laquelle doit être démoli l’hôtel de Rifay, et vous m’en instruirez immédiatement.

— C’est tout ?

— Absolument tout pour le moment. Vous attendrez à Paris mes nouvelles instructions. Surtout ne vous compromettez d’aucune façon, ne vous mêlez pas de politique, vivez tranquillement dans quelque maison honnête. Allez voir Françoise ; elle demeure 107, rue Blanche et s’appelle Mme  Fismoise ; mais ne causez pas avec elle plus qu’il n’est nécessaire. Il est inutile qu’elle sache le motif de votre retour en France. Tenez, voici de l’argent ; lorsque vous n’en aurez plus, ne vous adressez jamais à d’autre qu’à moi.

— Je n’ai pas besoin d’argent, fit Justin en repoussant les deux mille francs que Jeanne lui offrait ; je suis presque riche en ce moment.

— Acceptez toujours. Quand vous serez à Paris, il vous faudra peut-être partir tout à coup, sur une simple dépêche de moi, sans que j’aie eu le temps de vous écrire ; or, je ne veux pas que vous soyez arrêté par un semblable motif.

Delon prit, en rougissant un peu, les deux billets.