Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/282

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Penché sur la rive de la Marne, dont les eaux grondaient sous un ciel sans étoiles, il se demanda s’il n’était pas préférable pour lui de mourir plutôt que de revenir une seconde fois les mains vides.

Mais, au moment où il allait se jeter dans la rivière, l’image de la charmeresse lui apparut. Il se dit alors qu’il préférait encore affronter sa colère plutôt que de ne plus la revoir, et il reprit sa course pour la rejoindre.

Persuadée que Delon mènerait à bien sa sinistre expédition, mais prévoyant la difficulté qu’elle rencontrerait à introduire le coffret dans Paris sans le soumettre à la visite de l’octroi, Mme de Ferney avait loué, le jour même, à Fontenay-sous-Bois, une petite maison toute meublée, sous le prétexte d’y installer une personne à qui le calme et le grand air étaient ordonnés.

Elle se proposait d’y cacher le corps de Berthe jusqu’au moment où elle aurait le moyen de s’en défaire à jamais.

C’était là qu’elle attendait son complice.

La maison avait, un jardin dont la grille ouvrait sur le lac.

En arrivant à Fontenay-sous-Bois, Justin aperçut Jeanne appuyée contre la porte.

Appelant à son aide le peu de courage qui lui restait, il s’élança vers elle, la repoussa presque brutalement dans le jardin, ferma la grille et lui dit, en l’entraînant du côté de la maison :

— Encore rien ! Venez ; je suis allé là-bas trop tard !

La misérable ne répondit pas ; mais, lorsque Delon se vit en face d’elle, dans le petit salon qui occupait la moitié du rez-de-chaussée de la villa, il eut vraiment peur.

La terrible créature était livide, ses yeux, lançaient des éclairs ; toute sa physionomie exprimait la tempête de colère qui grondait en elle.

— Eh bien ! quoi encore de nouveau ? interrogea-t-elle de sa voix métallique. Expliquez-vous au lieu de trembler.

Apercevant alors les taches de sang et de boue dont étaient maculés les habits et les mains de Delon, elle s’écria :

— Que s’est-il donc passé ? Pourquoi ce sang ?

— Parce que, dans le but d’exécuter vos ordres à tout prix, j’ai tué un homme, râla Justin.

— Tué un homme ! Dutan ?

— Oui, écoutez-moi.

Et d’une voix sourde, saccadée, il raconta, sans omettre aucun détail, la scène horrible dont le jardin de Pergous venait d’être le théâtre.

Puis il termina par ces mots :