Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/311

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meublée bien évidemment pour la circonstance des objets les plus indispensables, car on y respirait cet air humide et froid qui règne dans les appartements restés longtemps inoccupés.

Il s’y trouvait un lit, une table, quelques chaises et les ustensiles nécessaires à la toilette.

Au travers les vitres de la fenêtre sans rideaux, on apercevait un volet plein qui ne laissait pénétrer le jour que par une découpure en forme de cœur, à sa partie supérieure.

C’était, on le voit, un logement modeste, mais, comme prison, on pouvait trouver plus mal.

Telle était sans doute l’opinion de Pierre, qui devait s’y connaître, car il dit à Pergous, en promenant les rayons de la bougie autour de cette chambre dont le papier de tenture était déchiré çà et là :

— Vous serez ici comme chez vous et ne manquerez de rien, car j’aurai le plaisir de vous tenir compagnie. Pour peu que vous aimiez le bésigue, nous passerons le temps fort agréablement ; moi, j’en raffole.

Marius fit une double grimace : la société du personnage ne lui paraissait pas une compensation suffisante à la captivité fort désagréable dont il se voyait menacé.

— Combien de temps allez-vous me tenir ici ? demanda-t-il à Manouret, qui lui semblait moins repoussant que son compagnon.

— Nous l’ignorons tout à fait, répondit Claude ; ça ne nous regarde pas.

— Vous ne savez pas non plus pourquoi vous vous êtes livrés à mon endroit à un acte d’arrestation arbitraire que le Code punit sévèrement ?

— Oh ! le Code ! le Code ! ricana Méral avec un souverain mépris. En voilà un empêcheur de danser en rond dont je me moque comme d’une vieille chique !

— Non, nous ne pouvons pas vous mieux renseigner à cet égard, reprit son compagnon, et, quant à ce que nous risquons, ne vous en inquiétez pas. Prenez votre mal en patience, c’est ce qu’il y a de mieux. Surtout n’allez pas tenter de faire du bruit ou de chercher à fuir, car non seulement vous perdriez votre temps, mais vous nous obligeriez, mon ami et moi, qui sommes vos gardiens, à vous mettre hors d’état de bouger. Sur ce, couchez-vous si ça vous plaît, et bonne nuit.

En disant ces mots, le misérable fit passer Pierre le premier et sortit pour fermer sur lui la porte à double tour.

— Bonsoir, monsieur Pergous, entendit aussitôt l’ex-officier ministériel.

C’était le bossu qui, sa face hideuse collée contre le petit guichet pratiqué au milieu de la porte, faisait ainsi comprendre au prisonnier que, bien que seul, il était toujours surveillé.

Mais notre triste héros avait passé, grâce à ses mésaventures de toutes sortes, par de trop nombreuses épreuves pour attacher la moindre importance à cette plaisanterie. Il ne répondit pas et, se laissant tomber sur une chaise, il se mit à songer.