Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/310

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qu’il gravit pour pénétrer dans un vestibule, — il le supposa en entendant ses pas résonner sur les dalles, — et, de là, dans une pièce où ses guides lui enlevèrent son bandeau.

Ce passage subit de l’obscurité à la lumière, ou plutôt de la cécité à la vue, l’empêcha tout d’abord de rien distinguer autour de lui ; mais ses yeux reprirent rapidement leur fonction normale, et il ne put réprimer un mouvement d’effroi en apercevant le bossu, puis Manouret, dont l’aspect n’était guère plus rassurant.

Comprenant l’effet qu’il produisait, le frère de Françoise dit à Pergous, d’un air narquois :

— Monsieur croyait peut-être qu’il était enlevé par des dames ?

— Peu importe ce que je pensais, répondit l’agent d’affaires avec assez de calme ; je suppose que vous allez m’expliquer ce que cela signifie et me rendre un peu de liberté.

— Si vous promettez d’être raisonnable, nous vous délierons les bras, dit Claude. C’est tout ce que nous pouvons vous accorder pour aujourd’hui.

— Une minute, observa Pierre ; assurons-nous d’abord que monsieur ne porte pas sur lui d’armes prohibées. Voyons, soyez gentil, laissez-vous faire !

Sans demander d’autre permission, Méral se mit à visiter les poches de son prisonnier avec une dextérité qui prouvait surabondamment l’habitude qu’il avait de ce genre d’opération.

En un tour de main, il enleva les clefs, le portefeuille, l’argent et la montre de l’infortuné Marius.

Il est vrai que, pour répondre au désespoir que trahissait la physionomie du dévalisé, il lui dit avec gravité :

— Tout cela vous sera fidèlement remis, cher monsieur ; c’est un simple dépôt entre nos mains. Maintenant, nous allons vous rendre la liberté de vos mouvements, mais je dois vous prévenir qu’à la moindre tentative de brutalité contre mon ami ou contre moi, je serai forcé de vous faire faire connaissance avec ce petit instrument.

Il avait tiré de son vêtement un revolver d’un calibre des plus respectables, pendant que Manouret enlevait les liens de l’amoureux de Clarisse.

— Je n’ai pas envie de résister, dit Pergous en faisant un pas en arrière ; je désire seulement savoir ce que vous me voulez.

— Nous causerons de tout cela demain, répondit l’ancien cabaretier. En attendant, comme il se fait tard et que les émotions ont dû vous fatiguer, nous allons vous conduire à votre chambre à coucher. Suivez-moi.

Il s’était emparé d’un bougeoir pour passer le premier et montrer le chemin à l’agent d’affaires, sur les pas duquel marchait l’ex-forçat.

Arrivés dans cet ordre au premier étage, ils pénétrèrent dans une petite pièce,