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Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/334

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L’honnête employé commençait à désespérer de revoir jamais son maître.

— Enfin, monsieur, vous voilà donc ! lui dit-il en s’avançant respectueusement. Permettez-moi de vous demander si vous êtes satisfait de votre voyage, si vous avez fait bonne traversée.

— Bonne traversée ? Ah ! oui, répondit l’agent d’affaires, vous avez cru à mon excursion en Angleterre. Vous n’êtes qu’un sol, laissez-moi ! Vous me rendrez compte demain de ce qui s’est passé ici pendant mon absence.

— Monsieur sait que j’ai remis, d’après son ordre, quatre mille francs à son ami.

Le pauvre secrétaire ne pouvait évoquer un plus triste souvenir pour exaspérer davantage encore son irascible patron. Aussi celui-ci répéta-t-il avec un accent de colère :

— Je vous ai dit de me laisser seul !

Désolé autant que stupéfait de cet accueil, le bon Philidor courba la tête et se retira à reculons.

Quant à Pergous, il se laissa tomber dans son fauteuil en murmurant :

— Ah ! madame de Ferney, c’est bien le diable si je ne parviens pas à savoir ce que vous avez fait depuis dix ans et quels liens vous unissent à ces échappés de bagne qui vous servent si bien.


VIII

Où Marius Pergous fait doublement son métier.



Dès qu’il fut seul dans son cabinet, Pergous s’empressa d’ouvrir sa caisse. Tout y était en ordre ; il n’y manquait que les quatre mille francs remis à Pierre Méral.

On conçoit que la seule constatation de ce déficit renouvela ses douleurs. Elle lui rappelait toutes les vexations dont l’affreux bossu l’avait si impitoyablement abreuvé. Au lieu d’avoir été dupeur, selon sa coutume, il avait été dupé, et raillé, par-dessus le marché. Il se promettait de ne jamais l’oublier.

De plus, se souvenant du ton ironique avec lequel Jeanne Reboul lui avait dit de venir la voir, il se promettait de se venger sur elle de n’avoir pu l’exploiter comme il en avait eu l’intention.