Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

décès n’avait pas été demandé à la justice et qui était toujours considérée comme absente.

C’était tout au moins cette part que Jeanne voulait pour sa fille, et Me Germain n’attendait que ses ordres pour exiger des comptes de M. Dormeuil, qui était resté le dépositaire de cette portion de l’héritage de son malheureux ami.

Le plaisir que lui causaient les renseignements apportés par Pergous la décidait à ne plus attendre davantage pour commencer une lutte dont elle ne se dissimulait pas les humiliations, mais aussi dont la loi elle-même lui assurait le succès.

Pendant que sa complice était dans ces dispositions et se préparait à écrire à son avoué, Pergous regagnait son domicile.

Les cinq mille francs qu’il venait de gagner si facilement lui faisaient entrevoir pour l’avenir les spéculations les plus lucratives, et, comme le lui avait fort bien dit Mme de Ferney, il ne pensait déjà plus aux mauvais jours de Joinville-le-Pont.

Aussi rentra-t-il chez lui le visage riant et l’esprit tout au plaisir.

Victoire l’attendait pour servir le déjeuner.

— À table, à table ! s’écria-t-il gaiement en prenant par la taille Marie, qui était dans la salle à manger.

L’enfant tenta doucement de se dégager de cette odieuse étreinte.

— Eh quoi ! fit le goujat, en l’embrassant à plusieurs reprises, on a peur de son ami ! on ne l’aimera donc jamais un peu ?

L’arrivée de la domestique empêcha le maître d’en dire davantage, et il laissa échapper la jeune fille, qui, toute rougissante et des larmes plein les yeux, s’en fut prendre sa place ordinaire.

C’est que, depuis la première tentative de Pergous, Marie avait beaucoup réfléchi, et sa chasteté ne l’avait pas empêchée de comprendre que son honneur était en danger ; puis, l’agent d’affaires ayant paru ne plus s’occuper d’elle, elle s’était rassurée peu à peu : et c’était au moment où elle avait tout oublié que celui dont elle dépendait se livrait de nouveau sur elle à des caresses qui lui faisaient horreur.

Sans souci du mauvais accueil fait à ses façons de Lovelace, le grossier personnage déjeuna copieusement, et il était dans un tel état d’ébriété à la fin du repas que, saisie d’une véritable épouvante, la fille de Lucie voulut se retirer.

— Oh ! que non pas, petite, fit-il en l’arrêtant au passage ; il faut payer son écot et m’embrasser à votre tour. Voyons, rien qu’un petit baiser !

— Je vous en prie, monsieur, reprit-elle, en détournant son visage que le misérable cherchait de ses lèvres lippues ; laissez-moi ou j’appelle Victoire.

— Ah ! Victoire ! Eh bien ! qu’elle vienne, et je lui donne son compte, sans ses huit jours. Je suis le maître chez moi, mignonne ; il faut que tout le monde m’obéisse.

Et l’infâme, excité tout à la fois par l’ivresse et la résistance, s’efforçait d’une