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Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/346

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— Oh ! oui, je la défendrai, murmura Philidor dès qu’il se vit seul, je la défendrai contre lui, contre tous… lors même que ce devrait être au profit d’un autre !

Mais ce serment en était trop pour le malheureux. Laissant tomber sa tête entre ses mains, il se mit à sangloter.


X

Nouvelle infamie.



L’hiver touchait à peine à sa fin que le salon de Jeanne Reboul était déjà connu de tout Paris, bien qu’il ne fût ouvert que depuis quelques mois. Ceux qui n’y étaient venus d’abord que par curiosité n’avaient pas manqué d’y revenir, séduits par l’esprit et la beauté de celle qui en faisait les honneurs avec un tact et une distinction de vraie grande dame, chacun se plaisait à le reconnaître.

Si notre héroïne n’avait pas repris son nom de Mme de Ferney, ainsi que c’eût été son droit, c’est qu’elle n’avait voulu fournir aucune arme à M. Dormeuil, dont nous ne saurions peindre la stupéfaction le jour où il reçut, de la veuve de son malheureux ami, signification de la naissance de Gabrielle et sommation de faire la part de cette héritière légale dans la succession de son père.

Quoi qu’il en fût. Mme veuve de Ferney, sous le nom de la comtesse Iwacheff, n’ouvrait pas indistinctement sa porte à ceux qui se présentaient.

Pour faire partie des intimes du petit hôtel de la rue de Monceau, il fallait être quelque chose ou quelqu’un. Aussi ne rencontrait-on chez Jeanne Reboul que des gens du meilleur monde, des écrivains de valeur, et, en fait de femmes, que des artistes de talent, au théâtre, dans les arts ou dans les lettres, et dont l’existence était suffisamment régulière pour ne pas donner trop de prise à la médisance.

Lord Rundely, qui avait fait son deuil du retour de sa maîtresse à Londres, lui adressait souvent quelques-uns de ses amis, et les Russes de passage à Paris, se souvenant du séjour de la comtesse à Saint-Pétersbourg, s’étaient hâtés de se faire admettre chez elle.

Parmi les fidèles de Jeanne, on comptait le jeune comte de Platen, dont le père avait été l’ami du comte Iwacheff.

Le comte de Platen, alors que la jeune femme habitait la Russie, en avait été fort épris ; il s’était prononcé très ouvertement contre l’arrêt du czar qui avait cassé