Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/359

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le jour où il avait appris qu’elle s’était mariée en Russie, il s’en était réjoui : il avait alors espéré qu’il ne la reverrait jamais.

Il ignorait que M. Dormeuil eût reçu de l’ex-Mme  de Ferney sommation de lui rendre des comptes ; il était loin de se douter qu’elle fût de retour à Paris. L’avocat avait jugé plus sage de ne pas l’en instruire.

Aussi, en voyant entrer ce dernier dans son atelier, Armand témoigna-t-il une certaine surprise.

— Vous, cher maître ! lui dit-il. Quelle bonne fortune vous amène ?

— Ah ! ce n’est pas une bonne fortune, mon cher Armand, répondit M. Dormeuil ; nous avons à causer de choses graves.

— De choses graves ?

Puis, se rapprochant de son modèle, il lui dit :

— Ma chère Marie, nous en resterons là aujourd’hui, mais à demain, n’est-ce pas ?

— Oui, à demain, fit La jeune fille avec un accent d’une adorable douceur et en rougissant. À demain, monsieur Pétrus.

Elle s’en alla lentement, sans retourner la tête.

Le peintre la suivit des yeux jusqu’à ce qu’elle eût tout à fait disparu, et, revenant ensuite à son visiteur :

— Cher monsieur Dormeuil, lui dit-il, nous avons vu, vous et moi, bien des drames dans notre existence, sans compter celui auquel nous avons été mêlés tous deux ; eh bien ! voilà une des victimes les plus intéressantes qu’on puisse rencontrer. Je vous raconterai cela un jour. Qu’avez-vous à me dire ? Vous semblez inquiet, préoccupé.

— Je le suis, en effet, vous allez savoir pourquoi. Permettez-moi d’abord une question.

— Faites.

— Avez-vous conservé quelques lettres de Mme  de Ferney ?

— De Jeanne !

M. de Serville avait prononcé le nom de son ancienne maîtresse avec autant d’étonnement que de douleur.

— Oui, de Jeanne Reboul.

— Certes, j’ai gardé précieusement, comme armes défensives, quelques-unes de ses lettres d’autrefois.

— Faites-moi l’amitié de m’en montrer une seule.

— Volontiers. Dans quel but ?