Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/360

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— Je vous le dirai.

— Alors ayez la bonté d’attendre un instant ; ces lettres sont dans ma chambre à coucher.

Armand passa dans son appartement, d’où il revint quelques minutes après pour remettre au vieillard ce qu’il désirait.

C’était une des longues épîtres amoureuses que Jeanne avait écrites à son amant pendant que le malheureux M. de Ferney était en voyage dans le Nord.

M. Dormeuil, qui avait tiré de son portefeuille le billet anonyme reçu par Raoul, compara les caractères des deux lettres et s’écria presque aussitôt :

— J’en étais sûr ! La misérable !

— Qu’avez-vous donc ? demanda l’artiste.

— Lisez !

Il lui remit les lignes odieuses qui avaient provoqué la colère de l’officier d’ordonnance du général de Bertout.

— Oh ! cela est infâme, fit Pétrus avec dégoût.

— Eh bien ! c’est l’œuvre de Mme  de Ferney. À peine a-t-elle déguisé son écriture.

— En effet, il est inutile d’être expert pour reconnaître dans ces lettres la même main. Cette femme est donc à Paris ?

— Depuis longtemps. Moi, j’ai déjà reçu de ses nouvelles, car elle revendique pour sa fille Gabrielle le tiers de la succession de son mari.

— Sa fille Gabrielle !

— Dont la naissance a été régulièrement déclarée, qui est née dans les délais légaux et qui a droit, selon la loi, à sa part dans l’héritage de celui qui n’est probablement son père que de nom.

M. de Serville était devenu livide. Cet enfant que Jeanne avais mis au monde à l’étranger, cette fille, au nom de laquelle la marâtre recommençait la guerre contre ses victimes d’autrefois, cette fille était la sienne à lui, il n’en pouvait douter. Il était épouvanté de la situation que lui créaient les événements.

M. Dormeuil comprit ce qui se passait dans l’esprit de son jeune ami et, désireux de l’arracher au plus vite à cette torture, il le mit au courant des conséquences terribles produites par la lettre anonyme de Jeanne Reboul.

Puis comme Armand, atterré, gardait le silence, il reprit :

— Vous comprenez qu’il ne faut pas que Raoul se batte avec M. de Platen, d’abord parce que j’ai la conviction que ce jeune homme n’a pas tenu la conduite que lui attribue cette lâche dénonciation ; ensuite parce que quelque chose me dit