Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/384

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À l’égard de l’assassinat de ce malheureux, dont il supposait avec raison que l’un des agents de Jeanne Reboul était l’auteur, il se promettait d’affirmer qu’il ne l’avait connu que par Lucie, la veuve de l’ouvrier.

Pergous s’était arrêté à ce plan de défense, lorsqu’un des gardiens de la Conciergerie vint le chercher pour le conduire devant le juge d’instruction chargé de l’affaire.

Sans manifester aucune émotion, il se mit en route. Cinq minutes plus tard il était introduit dans le cabinet de M. Douet-d’Arcq, un des plus habiles membres du parquet.

— Monsieur, lui dit le magistrat, après avoir pris ses nom et prénoms, vous connaissez la cause de votre arrestation ; la justice veut savoir d’où vient le squelette saisi à l’octroi dans une caisse que votre secrétaire voulait introduire dans Paris, et comment il était entre vos mains.

— Monsieur, répondit l’ex-avoué avec calme, je suis prêt à vous renseigner exactement. D’abord il est vrai que j’ai confié ce coffret à mon premier clerc en lui disant qu’il renfermait des dossiers. Je fais immédiatement cet aveu, parce que je désire que cet honnête garçon ne soit pas inquiété pour un fait auquel il est resté totalement étranger.

— Continuez, reprit le juge d’instruction, en faisant signe à son greffier d’écrire tout ce qu’il entendait.

Reprenant aussitôt la parole, l’ex-avoué raconta comment Jérôme Dutan était venu lui faire part de sa triste trouvaille en le suppliant de l’en débarrasser, et comment il avait alors enfoui le coffret dans son jardin, mais pour le déterrer le lendemain matin même, dans le but de dénoncer le fait à la justice

— Pourquoi n’avez-vous pas agi ainsi ? interrompit le magistrat.

— Parce que le jour suivant, lorsque je suis retourné à Nogent pour faire ma déclaration au commissaire de police du pays, j’ai trouvé béante la fosse que j’avais comblée ; que j’ai supposé ce travail accompli par des gens qui avaient intérêt à s’emparer de ce corps, et que, lorsque je me suis rendu chez Mme  Dutan, pour savoir si son mari n’était pour rien dans cette œuvre mystérieuse, on a rapporté le cadavre de ce malheureux. Il avait été assassiné bien certainement par un étranger qui était venu lui offrir une grosse somme d’argent en échange du coffret, et il est probable que c’est dans sa colère d’avoir trouvé la fosse vide que cet individu a frappé l’ouvrier. Il a ensuite jeté son corps dans la Marne, où des mariniers l’ont découvert le lendemain.

— Tous ces événements dramatiques ne devaient que vous pousser davantage encore à informer la justice.

— J’ai eu peur d’être mêlé à une affaire bruyante, et c’est pourquoi j’ai envoyé ce maudit coffret chez mon maître clerc, à Levallois-Perret ; mais je compris bientôt que j’avais commis une faute, et j’allais me rendre chez M. le procureur