Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/417

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On venait, en effet, de frapper de nouveau, mais, cette fois, en accompagnant les trois coups réglementaires d’un vigoureux coup de pied contre la porte.

La tante de Louis ne crut pas prudent de faire attendre plus longtemps son visiteur.

Reste là, dit-elle à son neveu, en emportant la petite lampe qui les éclairait ; si tu es raisonnable, tu ne t’en repentiras pas.

Et, tirant à elle la porte du magasin, elle s’empressa d’aller ouvrir celle de l’allée.

— Ah ! ma foi, ce n’est pas malheureux, dit l’individu qui avait frappé, en se glissant rapidement dans la pièce et en fermant la porte derrière lui. Encore une minute, et tu me faisais peut-être bien pincer par la rousse. En voilà une qui jouit de son reste !

— Comment, c’est toi, Pierre ! dit Françoise, qui, sur le premier moment, avait été si stupéfaite qu’elle n’avait pu prononcer un seul mot, bien qu’elle eût immédiatement reconnu ce frère Pierre, dont elle n’avait jamais cessé de craindre le retour.

Le hideux personnage n’était pas changé, si ce n’est qu’il semblait encore plus horrible et plus bossu que jadis. Clarisse, l’ex-maitresse de l’agent d’affaires, n’aurait plus osé l’appeler l’Adonis, tant il était monstrueux d’allure et de physionomie.

Ses trois années de détention ne l’avaient ni embelli ni redressé.

Sa sœur était réellement épouvantée de son apparition. Son neveu et son frère, c’était vraiment trop de famille qui lui revenait en un seul jour !

Aussi, au comble de la terreur, ne put-elle que répéter, après avoir fermé sa porte derrière ce sinistre revenant :

— Comment ! toi, toi !

— Eh oui ! c’est moi, répondit-il à cette exclamation. Cela t’étonne. Est-ce que ma bonne sœur espérait ne plus me revoir jamais ?

— Dame ! je le croyais loin. D’où viens-tu donc ?

— De n’importe où, en passant par les carrières d’Amérique. Ça se voit, du reste.

La blouse, jadis bleue, dont Pierre était couvert, comme un fagot d’épines aurait pu l’être d’un sac, et son pantalon rouge, arraché peut-être à quelque soldat mourant sur le revers d’une route, étaient maculés de taches blanchâtres qui indiquaient par écrit, en effet, le lieu où l’échappé de la guillotine avait cherché un asile.

— Je te raconterai cela quelque jour, continua-t-il en fourrant entre ses lèvres lippues l’horrible tronçon d’une pipe qu’il avait flambée à l’aide d’une allumette frottée contre sa cuisse ; tu verras comment je me suis évadé, après un supplément