Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/485

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Et Gaston, comprenant ce que son ami voulait dire, éclata de rire, car la tournure nouvelle de la conversation l’avait enlevé momentanément à ses soucis personnels. Ce ne devait être que pour un instant.

À peine seul, le baron tomba dans les plus tristes réflexions, et il se battait vainement les flancs pour trouver une planche de salut, lorsqu’il fut tout à coup surpris par une seconde visite.

C’était Sarah Bernier.

Quand il vit qu’elle était accompagnée de la Fismoise, qu’il reconnut immédiatement, il espéra qu’il était sauvé.

En un mot, la comédienne mit son amant au courant de l’affaire.

La brocanteuse voulait bien lui prêter une certaine somme d’argent, mais en prenant son mobilier en garantie. Seulement, comme elle était bonne femme et comprenait les folies de jeunesse, elle laisserait Gaston jouir de son appartement jusqu’à l’échéance de l’effet qu’il allait lui souscrire, c’est-à-dire pendant trois mois.

Si, à cette époque, il la remboursait, il redeviendrait propriétaire de ses meubles ; sinon, la prêteuse les ferait vendre ; oh ! mon Dieu ! à son grand désespoir.

— Ça vous va-t-il ? demanda Françoise au jeune homme avec son sans-gêne accoutumé.

— Soit ! répondit M. de Fressantel, faisant contre fortune bon cœur. Seulement, j’ai besoin de cet argent de suite.

— Oh ! ça ne sera pas long, répliqua la marchande à la toilette en se levant du fauteuil qu’elle occupait. En un coup d’œil, je vais vous dire ce que tout cela vaut. Nous dresserons un petit acte de vente. J’ai là du papier dans mon sac, et je vous donnerai votre affaire en jolis chiffons signés Soleil et Marsaud.

On voit que la fille Méral connaissait ses classiques.

— Eh ! mais, c’est très gentil ici ! votre tapissier est un artiste, continua la digne tante de Louis en parcourant le salon. Voilà une garniture de cheminée qui vous a bien coûté un millier d’écus. De jolis bronzes de Barbedienne ; des tableaux qui ne sont pas sans valeur. Ces tentures et ces tapis sont en bon état. Vous êtes un garçon soigneux. Voyons la chambre à coucher.

Sans attendre la permission du maître du logis, elle avait ouvert la porte de cette pièce.

— Oh ! parfait ! reprit-elle, en souriant. Un vrai boudoir de petite maîtresse. Quant à la salle à manger, je l’ai vue en entrant : du noyer sculpté avec des filets d’ébène ; c’est convenable. Mon petit, je vous achète tout cela vingt mille francs.

— Comment… vous m’achetez ?

— Enfin, je vous prête vingt mille francs, c’est tout un, à trois mois. Et comme vous me plaisez fort et que j’ai beaucoup d’affection pour notre amie Sarah, vous ne me paierez que dix malheureux pour cent d’intérêts. Hein ! suis-je assez accommodante ! Ça vous va-t-il ?