Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/529

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L’abbé Colomb lui tendait les mains comme il les tendait chaque jour aux petits enfants qu’il appelait à lui.

— Non ! non ! répétait le jeune homme dont l’âme était le siège d’un terrible combat. Non ! il est trop tard ! Ils me traiteraient de lâche ! Adieu, mon oncle, adieu !

Et, se jetant au cou du prêtre, Charles l’embrassa convulsivement, puis, s’arrachant à cette étreinte, il s’élança sur les traces du bataillon fédéré qui remontait le faubourg.

Le ministre de Dieu le suivit un instant des yeux et, le visage inondé de larmes, poursuivit son chemin.

Il reconnut alors Armand.

— Vous ! mon enfant, vous ! lui dit-il avec stupeur.

Lorsque M. de Serville l’eut mis rapidement au courant de ce qui venait de se passer, l’homme de bien ajouta :

— Dieu veut-il donc, mon ami, que j’arrive toujours près de vous dans des moments douloureux ! Que sa volonté soit faite ! Conduisez-moi.

Cinq minutes plus tard, il s’agenouillait à côté de Sarah, en commençant les prières des morts.

Pendant ce temps-là, Armand donnait au maître de la maison ses instructions pour que la malheureuse fût décemment ensevelie, puis, après un dernier regard de pitié sur le cadavre, il sortit, le cœur oppressé, la tête en feu, en s’efforçant de se rappeler et de comprendre les dernières paroles que la comédienne avait prononcées.

Que voulait exprimer ce mot : « le docteur » qu’il lui avait entendu murmurer ?

Était-ce le cri d’une mourante appelant la science à son secours ?

Voulait-il dire, au contraire, qu’un médecin était le dépositaire des lettres de Mme  de Rennepont ?

Maintenant que Sarah n’était plus, qui pourrait lui donner la clef de ce redoutable mystère ?

Ces réflexions l’amenèrent tout naturellement à penser que la comtesse Iwacheff, la complice ordinaire de Sarah, celle qui l’avait perdue, ne devait pas ignorer ce secret, bien qu’elle s’en fût défendue.

Alors, quoiqu’il eût à craindre que son hôtel ne fût encore occupé par les fédérés, il n’hésita pas à tout tenter pour retrouver la misérable.

Il remonta vivement vers la rue de Monceau, et, quelques minutes après, il était sur le seuil de la maison.

La porte en était entrouverte ; il la poussa.

La cour était vide : l’omnibus qu’il avait aperçu une demi-heure auparavant avait disparu. Le concierge n’était pas dans sa loge ; aucun domestique n’apparaissait.