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paraître tout à fait de l’esprit de la malade les impressions pénibles que nous nous sommes efforcé de peindre.

Mme de Ferney voyait l’avenir moins sombre ; elle était la première à ne parler que des qualités précieuses de Mlle Reboul.

Sa fille aînée, Louise, s’était prise d’une véritable passion pour son institutrice, et si Berthe résistait encore un peu aux avances pleines de tendresse de la jeune fille, la pauvre mère avait chassé de son imagination et de son cœur les craintes qu’y avait fait naître si spontanément la beauté de l’étrangère admise à son foyer.

M. de Ferney ne s’applaudissait pas moins de son choix que sa femme. Après avoir assisté deux ou trois fois aux leçons que Mlle Reboul donnait à ses enfants, il restait convaincu qu’il ne s’était pas trompé.

Jeanne semblait du reste apporter des éléments nouveaux de santé et de bonheur dans ce milieu si calme, si triste jadis.

Soit parce qu’elle se sentait rassurée sur certains points, soit parce que les préparatifs de ce déplacement et la perspective de l’inconnu lui procuraient une distraction salutaire, la chère souffrante reprenait des forces.

Le jour du départ arrivé, toute la famille monta dans un compartiment réservé. Mme de Ferney n’avait avec elle que sa femme de chambre. Les autres domestiques avaient été envoyés en avant.

Les fillettes étaient d’une gaieté folle ; elles allaient voir Paris ! Leurs grands yeux interrogateurs ne quittaient pas Jeanne, qu’elles pressaient de questions.

Quant à celle-ci, ses lèvres étouffèrent un « enfin ! » lorsque la locomotive qui l’emportait inclina son panache noir en sortant de la gare.

Le voyage s’exécuta sans incident. Partis à midi, les voyageurs arrivèrent le soir, et la voiture qui les avait pris au chemin de fer du Nord les déposa avant sept heures sur le seuil d’une fort belle maison connue dans le faubourg Saint-Germain sous le nom de l’hôtel de Rifay.

C’est bien l’habitation qui convenait à M. de Ferney, tout à la fois en raison de la santé de sa femme, du calme que nécessitaient ses travaux et pour ses enfants.

L’installation s’y fit rapidement.

La maison se composait d’un grand corps de logis sur cour, du côté de la rue, et d’une aile en retour sur le jardin, planté d’arbres séculaires.

C’était le rez-de-chaussée de cette aile que le magistrat avait choisi pour l’appartement de sa femme, afin qu’elle n’eût pas la peine de monter et qu’elle pût, dès les premiers beaux jours, profiter des rayons du soleil.

Il avait fait élever à la suite de sa chambre à coucher une serre qui donnait sur le jardin, en sorte que, quelque temps qu’il fit, sa chère malade avait toujours des fleurs et de la verdure sous les yeux.

Au-dessus, au premier étage, se trouvait la chambre de Jeanne. On y parvenait après avoir traversé une longue galerie, qui était une superbe salle de récréation pour ses élèves lorsqu’elles ne pouvaient sortir.

M. de Ferney avait son cabinet de travail au rez-de-chaussée du corps de logis principal, à la suite d’un grand salon de réception. Son appartement était au premier.

Quoique sous le même toit que ses enfants, il était ainsi assez loin d’eux pour n’être pas troublé dans ses travaux par le bruit de leurs jeux.