Page:Renan – Patrice, 1908.djvu/143

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notre faiblesse, il faut dire que cela dépasse les conditions de la nature humaine. Dès que l’esprit humain dépasse la sphère des affirmations antithétiques, dès qu’il atteint l’identité fondamentale, c’est le repos, mais c’est aussi la mort. L’opposition, la partialité est la loi de l’esprit humain. L’homme ne pense et ne sent, c’est-à-dire ne vit, qu’à condition d’être imparfait. Si son intelligence arrivait à la vue complète, il mourrait ; car cette vue complète serait toujours identique, il n’aurait qu’une seule pensée, un seul sentiment ; une seule note retentirait sans cesse à son oreille, la note de l’univers ; il nagerait dans l’uniforme infini. Or, quand cet état se prolonge, cela s’appelle la mort ; quand il n’est que momentané, c’est l’extase. L’extase est une mort passagère. L’homme ne recom-