Page:Renan - Ecclesiaste - Arlea.djvu/113

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désespérés pour faire un raisonnement ressemblent aux tortures d’un grand musicien forcé d’exécuter une symphonie compliquée avec un orchestre tout à fait grossier.

Une observation très juste, due à M. Joseph Derenbourg, jette le plus grand jour sur la manière d’écrire de notre auteur et sur les règles qui président à la conduite de sa pensée. Un des traits caractéristiques de cette poésie morale de l’Inde et de la Perse avec laquelle le Cohélet a déjà tant d’analogies, c’est l’habitude d’insérer des vers dans le tissu de la prose, soit que ces vers consistent en citations de poèmes connus, soit qu’ils aient été composés par l’auteur lui-même. M. Ewald avait déjà remarqué les proverbes, presque sans connexion avec le texte, dont l’auteur sème sa déclamation, pour en rompre le cours trop monotone. M. Derenbourg[1] montre qu’en ceci Cohélet a devancé le genre dont Saadi présente le modèle achevé, et qui a ses origines dans la Perse sassanide et ultérieurement dans l’Inde. La teneur générale du style de L’Ecclésiaste, c’est la prose. Mais, par moments, le parallélisme se fait sentir, et presque toujours, à ces moments-là, la suite des idées est violemment brisée. En admettant que ces maximes, très peu liées avec ce qui précède et ce qui suit, sont des citations ou plutôt des intercalations métriques, on soulage singulièrement la difficulté que l’on trouve à faire tenir l’ouvrage sur ses pieds[2]. Le traducteur est à

  1. Revue des études juives, 1re année, no 2, p. 184-185.
  2. Seul le chapitre XV de notre traduction résiste à tous les efforts bienveillants que l’on fait pour ne pas avouer que l’auteur s’est endormi en l’écrivant.