Page:Renan - Ecclesiaste - Arlea.djvu/84

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objurgations presque blasphématoires du vieux patriarche sont devenues le badinage tristement résigné d’un lettré mondain. Bien plus religieux au fond, l'auteur de Job est autrement hardi dans son langage. Cohelet n'a plus même la force de s’indigner contre Dieu. C’est si inutile ! Comme Job, il s’incline devant une puissance inconnue, dont les actes ne relèvent d’aucune raison appréciable. Mais il se console, et, si les femmes étaient un peu moins trompeuses, les juges un peu moins corrompus, les héritiers un peu moins ingrats, les gouvernants un peu plus sérieux, il se réconcilierait avec la vie et consentirait à trouver qu’il est fort doux, même au prix de la perspective d’une vieillesse maussade, de jouir tranquillement, avec une femme aimée, de la fortune qu’on a su amasser par son intelligence. L’auteur dit trop de mal des femmes pour ne les avoir pas beaucoup aimées. A la façon dont il en parle, on sent qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’il recommençât à les aimer. Il n’est pas si dégoûté de la vie qu’il n'ait de bons conseils pratiques à donner, sur la manière de se bien tenir à la cour, sur les précautions à prendre avec les prêtres, sur le bon emploi de ses fonds et sur la manière de distribuer ses placements de manière à ne pas tout perdre à la fois.


Cette philosophie, singulièrement fatiguée, n’était pas neuve en Israël : c’était celle de tous les gens calmes et sensés, qui n’étaient ni prophètes, ni zélotes, ni sectateurs plus ou moins fanatiques d’un royaume