Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

time. Il faut se rappeler que nous sommes au temps des zélotes, qui regardaient comme un acte de vertu de poignarder quiconque manquait à la loi[1], et ne pas oublier que certains chrétiens étaient ou avaient été zélotes[2]. Des récits comme celui de la mort d’Ananie et de Saphire[3] n’excitaient aucun scrupule. L’idée de la puissance civile était si étrangère à tout ce monde placé en dehors du droit romain, on était si persuadé que l’Église est une société complète, se suffisant à elle-même, que personne ne voyait, dans un miracle entraînant la mort ou la mutilation d’une personne, un attentat punissable devant la loi civile. L’enthousiasme et une foi ardente couvraient tout, excusaient tout. Mais l’effroyable danger que recelaient pour l’avenir ces maximes théocratiques s’aperçoit facilement. L’Église est armée d’un glaive ; l’excommunication sera un arrêt de mort. Il y a désormais dans le monde un pouvoir en dehors de l’État qui dispose de la vie des citoyens. Certes, si l’autorité romaine s’était bornée à réprimer chez les juifs et les chrétiens des principes aussi condamnables, elle aurait eu mille fois raison. Seulement, dans sa brutalité,

  1. Mischna, Sanhédrin, ix, 6 ; Jean, xvi, 2 ; Jos., B. J., VII, viii, 1 ; III Macch. (apocr.), vii, 8, 12-13.
  2. Luc, vi, 15 ; Act., i, 13. Comparez Matth., x, 4 ; Marc, iii, 18.
  3. Act., v, 1-11. Comparez Act., xiii, 9-11.