Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/241

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le christianisme, sont très-vagues et très-incertains.

La délicatesse des manières étant, selon les idées de la bourgeoisie moderne, en rapport avec la fortune, nous nous figurerions volontiers, d’après ce qui précède, Paul comme un homme du peuple mal élevé et sans distinction. Ce serait là une idée tout à fait fausse. Sa politesse, quand il le voulait, était extrême ; ses manières étaient exquises. Malgré l’incorrection du style, ses lettres révèlent un homme de beaucoup d’esprit[1], trouvant dans l’élévation de ses sentiments des expressions d’un rare bonheur. Jamais correspondance ne révéla des attentions plus recherchées, des nuances plus fines, des timidités, des hésitations plus aimables. Une ou deux de ses plaisanteries nous choquent[2]. Mais quelle verve ! quelle richesse de mots charmants ! quel naturel ! On sent que son caractère, dans les moments où la passion ne le rendait pas irascible et farouche, devait être celui d’un homme poli, empressé, affectueux, parfois susceptible, un peu jaloux. Inférieurs devant le grand public[3], ces hommes ont, dans le sein des petites Églises, d’immenses avantages, par l’attachement qu’ils inspirent, par leurs

  1. Voir surtout l’épître à Philémon.
  2. Gal., v, 12 ; Phil., iii, 2.
  3. II Cor., x, 10.