Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/265

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Le plus inoffensif passe-temps de cet insensé était le souci de sa propre divinité[1]. Il y mettait une espèce d’ironie amère, un mélange de sérieux et de comique (car le monstre ne manquait pas d’esprit), une sorte de dérision profonde du genre humain. Les ennemis des Juifs virent quel parti on pouvait tirer de cette manie. L’abaissement religieux du monde était tel, qu’il ne s’éleva pas une protestation contre les sacrilèges du césar ; chaque culte s’empressa de lui décerner les titres et les honneurs qu’il réservait à ses dieux. C’est la gloire éternelle des Juifs d’avoir élevé, au milieu de cette ignoble idolâtrie, le cri de la conscience indignée. Le principe d’intolérance qui était en eux, et qui les entraînait à tant d’actes cruels, paraissait ici par son beau côté. Affirmant seuls que leur religion était la religion absolue, ils ne plièrent pas devant l’odieux caprice du tyran. Ce fut pour eux l’origine de tracasseries sans fin. Il suffisait qu’il y eût dans une ville un homme mécontent de la synagogue, méchant, ou simplement espiègle, pour amener d’affreuses conséquences. Un jour, c’était un autel à Caligula qu’on trouvait érigé à l’endroit où les Juifs le pouvaient le

  1. Suétone, Caius, 22, 52 ; Dion Cassius, LIX, 26-28 ; Philon, Legatio ad Caium, § 25, etc. ; Josèphe, Ant., XVIII, viii ; XIX, i, 1-2 ; B. J., II, X.