Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/382

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pas ; il y avait des sages. Mais trop souvent ils n’avaient d’autre ressource que de mourir. Les portions ignobles de l’humanité prenaient par moments le dessus. L’esprit de vertige et de cruauté débordait alors, et faisait de Rome un véritable enfer[1].

Ce gouvernement, si épouvantablement inégal à Rome, était beaucoup meilleur dans les provinces. On s’y apercevait assez peu des secousses qui ébranlaient la capitale. Malgré ses défauts, l’administration romaine valait mieux que les royautés et les républiques que la conquête avait supprimées. Le temps des municipalités souveraines était passé depuis des siècles. Ces petits États s’étaient détruits eux-mêmes par leur égoïsme, leur esprit jaloux, leur ignorance ou leur peu de souci des libertés privées. L’ancienne vie grecque, toute de luttes, tout extérieure, ne satisfaisait plus personne. Elle avait été charmante à son jour ; mais ce brillant Olympe d’une démocratie de demi-dieux, ayant perdu sa fraîcheur, était devenu quelque chose de sec, de froid, d’insignifiant, de vain, de superficiel, faute de bonté et de solide honnêteté. C’est ce qui fit la légitimité de la domination macédonienne, puis de l’administration romaine. L’Empire ne connaissait pas encore les excès de la centralisa-

  1. Apocal., xvii. Cf. Sénèque, Epist., xcv, 16 et suiv.