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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/402

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avaient conservé un fond de religion élevée et une grande horreur de la superstition[1]. Les géographes Strabon et Pomponius Méla, le médecin et encyclopédiste Celse, le botaniste Dioscoride, le jurisconsulte Sempronius Proculus, étaient des têtes fort bien faites. Mais c’étaient là des exceptions. À part quelques milliers d’hommes éclairés, le monde était plongé dans une complète ignorance des lois de la nature[2]. La crédulité était une maladie générale[3]. La culture littéraire se réduisait à une creuse rhétorique, qui n’apprenait rien. La direction essentiellement morale et pratique que la philosophie avait prise bannissait les grandes spéculations. Les connaissances humaines, si l’on excepte la géographie, ne faisaient aucun progrès. L’amateur instruit et lettré remplaçait le savant créateur. Le suprême défaut des Romains faisait sentir ici sa fatale influence. Ce peuple, si grand par l’empire, était secondaire par l’esprit. Les Romains les plus instruits, Lucrèce, Vitruve, Celse, Pline, Sénèque, étaient, pour les con-

  1. Oraison funèbre de Turia, I, lignes 30-31.
  2. Voir surtout le premier livre de Valère Maxime, l’ouvrage de Julius Obsequens sur les Prodiges, et les Discours sacrés d’Ælius Aristide.
  3. Auguste (Suétone, Aug., 90-92), César même, dit-on (Pline, Hist. nat., XXVIII, iv, 7, mais j’en doute), n’y échappaient pas.