Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/441

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avaient perdu toute importance depuis que l’empire romain, en conquérant le monde, était devenu la chose des peuples vaincus, ces races, dis-je, étaient moins solides que les nôtres, mais plus légères, plus vives, plus spirituelles, plus idéalistes. Le pesant matérialisme de nos classes déshéritées, ce quelque chose de morne et d’éteint, effet de nos climats et legs fatal du moyen âge, qui donne à nos pauvres une physionomie si navrante, n’était pas le défaut des pauvres dont il s’agit ici. Bien que fort ignorants et fort crédules, ils ne l’étaient guère plus que les hommes riches et puissants. Il ne faut donc pas se représenter l’établissement du christianisme comme analogue à ce que serait chez nous un mouvement partant des classes populaires et finissant (chose à nos yeux impossible) par obtenir l’assentiment des hommes instruits. Les fondateurs du christianisme étaient des gens du peuple, en ce sens qu’ils étaient vêtus d’une façon commune, qu’ils vivaient simplement, qu’ils parlaient mal, ou plutôt ne cherchaient en parlant qu’à exprimer leur idée avec vivacité. Mais ils n’étaient inférieurs comme intelligence qu’à un tout petit nombre d’hommes, survivants chaque jour plus rares du grand monde de César et d’Auguste. Comparés à l’élite de philosophes qui faisaient le lien entre le siècle d’Auguste et celui des Antonins,