Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/59

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un mouvement religieux ou philosophique doive être considérée comme un privilège ou une exception.

J’espère qu’un intervalle de deux années et demie écoulées depuis la publication de la Vie de Jésus portera certains lecteurs à s’occuper de ces problèmes avec plus de calme. La controverse religieuse est toujours de mauvaise foi, sans le savoir et sans le vouloir. Il ne s’agit pas pour elle de discuter avec indépendance, de chercher avec anxiété ; il s’agit de défendre une doctrine arrêtée, de prouver que le dissident est un ignorant ou un homme de mauvaise foi. Calomnies, contre-sens, falsifications des idées et des textes, raisonnements triomphants sur des choses que l’adversaire n’a pas dites, cris de victoire sur des erreurs qu’il n’a pas commises, rien ne paraît déloyal à celui qui croit tenir en main les intérêts de la vérité absolue. J’aurais fort ignoré l’histoire, si je ne m’étais attendu à tout cela. J’ai assez de froideur pour y avoir été peu sensible, et un goût assez vif des choses de la foi pour qu’il m’ait été donné d’apprécier doucement ce qu’il y a eu parfois de touchant dans le sentiment qui inspirait mes contradicteurs. Souvent, en voyant tant de naïveté, une si pieuse assurance, une colère partant si franchement de si belles et si bonnes âmes, j’ai dit comme Jean Huss, à la vue d’une vieille femme qui