Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/161

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étaient considérées comme impures[1]. Or ces viandes, après les sacrifices, étaient souvent portées au marché[2], où il devenait fort difficile de les distinguer. De là d’inextricables scrupules. Les juifs sévères ne regardaient pas comme licite de s’approvisionner indistinctement au marché ; ils voulaient qu’on questionnât le vendeur sur l’origine de la viande et qu’avant d’accepter les mets on questionnât l’hôte sur la manière dont il s’était approvisionné[3]. Imposer ce fardeau de casuistique aux néophytes eût été évidemment tout gâter. Le christianisme n’eut pas été le christianisme, si, comme le judaïsme de nos jours, il eût été obligé d’avoir ses boucheries à part, si le chrétien n’eût pu sans violer ses devoirs manger avec les autres hommes. Quand on a vu dans quel réseau de difficultés les religions très-chargées de prescriptions de ce genre enserrent la vie[4] ; quand on a vu en Orient le juif, le musulman séparés par leurs lois rituelles, comme par un mur, du monde euro-

  1. Exode, xxxiv, 45 ; Mischna, Aboda zara, ii, 3.
  2. Théophraste, Caract., ix ; Servius, ad Æneid., VIII, 183.
  3. I Cor., viii, 4 et suiv. ; x, 25 et suiv.
  4. Je citerai l’exemple des métualis de Syrie, réduits au fanatisme le plus sombre par l’obligation où ils sont de briser toute leur vaisselle et de bouleverser leur maison dès qu’un chrétien y a touché.