Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/175

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traînées à un peu de dissimulation : elles veulent contenter tout le monde ; aucune question de principe ne leur paraissant valoir le bien de la paix, elles se laissent aller avec les différents partis à des paroles et à des engagements contradictoires. Pierre commettait quelquefois cette faute bien légère. Avec Paul, il était pour les incirconcis ; avec les juifs sévères, il était partisan de la circoncision. L’âme de Paul était si grande, si ouverte, si pleine du feu nouveau que Jésus était venu apporter sur la terre, que Pierre ne pouvait manquer de sympathiser avec lui. Ils s’aimaient, et, quand ils étaient ensemble, c’était le monde entier que ces souverains de l’avenir se partageaient entre eux.

Ce fut sans doute à la fin d’une de leurs conversations que Paul, avec l’exagération de langage et la verve qui lui étaient habituelles, dit à Pierre : « Nous pouvons nous entendre : à toi l’Évangile de la circoncision, à moi l’Évangile du prépuce. » Paul releva plus tard ce mot comme une sorte de convention régulière et qui aurait été acceptée de tous les apôtres[1]. Il est difficile de croire que Pierre et Paul aient osé répéter hors de leur tête-à-tête un mot qui eût blessé au plus haut degré les prétentions de Jac-

  1. Gal., ii, 7-9 ; II Cor., x, 13-16 ; Rom., xi, 13 ; xv, 14-16.