Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/658

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mépris paradoxal de la raison, par son éloge de la folie apparente, par son apothéose de l’absurde transcendental. — Ce ne fut pas non plus un poëte. Ses écrits, œuvres de la plus haute originalité, sont sans charme ; la forme en est âpre et presque toujours dénuée de grâce. — Que fut-il donc ?

Ce fut un homme d’action éminent, une âme forte, envahissante, enthousiaste, un conquérant, un missionnaire, un propagateur, d’autant plus ardent qu’il avait d’abord déployé son fanatisme dans un sens opposé. Or l’homme d’action, tout noble qu’il est quand il agit pour un but noble, est moins près de Dieu que celui qui a vécu de l’amour pur du vrai, du bien ou du beau. L’apôtre est par nature un esprit quelque peu borné ; il veut réussir, il fait pour cela des sacrifices. Le contact avec la réalité souille toujours un peu. Les premières places dans le royaume du ciel sont réservées à ceux qu’un rayon de grâce a touchés, à ceux qui n’ont adoré que l’idéal. L’homme d’action est toujours un faible artiste, car il n’a pas pour but unique de refléter la splendeur de l’univers ; il ne saurait être un savant, car il règle ses opinions d’après l’utilité politique ; ce n’est même pas un homme très-vertueux, car jamais il n’est irréprochable, la sottise et la méchanceté des hommes le forçant à pactiser avec elles. Jamais sur-