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Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/659

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tout il n’est aimable : la plus charmante des vertus, la réserve, lui est interdite. Le monde favorise les audacieux, ceux qui s’aident eux-mêmes. Paul, si grand, si honnête, est obligé de se décerner le titre d’apôtre. On est fort dans l’action par ses défauts ; on est faible par ses qualités. En somme, le personnage historique qui a le plus d’analogie avec saint Paul, c’est Luther. De part et d’autre, c’est la même violence dans le langage[1], la même passion, la même énergie, la même noble indépendance, le même attachement frénétique à une thèse embrassée comme l’absolue vérité.

Je persiste donc à trouver que, dans la création du christianisme, la part de Paul doit être faite bien inférieure à celle de Jésus. Il faut même, selon moi, mettre Paul au-dessous de François d’Assise et de l’auteur de l’ « Imitation », qui tous deux virent Jésus de très-près. Le Fils de Dieu est unique. Paraître un moment, jeter un éclat doux et profond, mourir très-jeune, voilà la vie d’un dieu. Lutter, disputer, vaincre, voilà la vie d’un homme. Après avoir été depuis trois cents ans le docteur chrétien par excellence, grâce au protestantisme orthodoxe,

  1. Voir surtout Phil., iii, 2. L’ouvrage qui ressemble le plus comme esprit à l’Épître aux Galates, c’est le De captivitate babylonica Ecclesiæ.