Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/199

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temps sous l’obsession d’un sentiment tendre, chercha tout ce qui lui ressemblait, poursuivit des substitutions insensées[1]. Poppée, de son côté, eut pour lui des sentiments qu’une femme si distinguée n’aurait pas avoués pour un homme vulgaire. Courtisane du plus grand monde, habile à relever par des recherches de modestie calculée les attraits d’une rare beauté et d’une suprême élégance[2], Poppée conservait dans le cœur, malgré ses crimes, une religion instinctive qui l’inclinait vers le judaïsme[3]. Néron semble avoir été très-sensible chez les femmes au charme qui résulte d’une certaine piété associée à la coquetterie. Ces alternatives d’abandon et de fierté, cette femme qui ne sortait que le visage en partie voilé[4], ce parler aimable, et surtout ce culte touchant de sa propre beauté qui fit que, son miroir lui ayant un jour montré quelques taches, elle eut un accès de désespoir tout féminin, et souhaita de

  1. Dion Cassius, LXII, 28 ; LXIII, 12, 13 ; Pline, XXXVII, iii (12).
  2. Tacite, Ann., XIII, 45. Voir le buste du Capitole (no 17) et celui du Vatican (no 408).
  3. Θεοσεϐὴς γὰρ ἦν. Jos., Ant., XX, viii, 11 ; cf. Vita, 3. Ce que dit Tacite (Ann., XVI, 6 ; cf. Hist., V, 5) de ses funérailles confirme tout à fait cette hypothèse. Cf. Pline, XII, xviii (41). Observez aussi son goût pour les devins. Tac., Hist., I, 22.
  4. « Ne satiaret adspectum, vel quia sic decebat. »