Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/202

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hybride, bizarre, incohérent, le plus souvent haïssable, mais que cependant par moments on ne pouvait s’empêcher de plaindre. Le sentiment des femmes reposant plus sur la sympathie et le goût personnel que sur les rigoureuses appréciations de l’éthique, il leur suffit d’un peu de beauté ou de bonté morale, même souverainement faussées, pour que leur indignation s’éteigne dans la pitié. Elles sont surtout indulgentes pour l’artiste égaré par l’ivresse de son art, pour un Byron, victime de sa chimère, et poussant la naïveté jusqu’à traduire en actes son inoffensive poétique. Le jour où Acté déposa le cadavre sanglant de Néron dans la sépulture des Domitius, elle pleura sans doute sur la profanation des dons naturels connus d’elle seule ; le même jour, plus d’une chrétienne, on peut le croire, pria pour lui.

Quoique d’un talent médiocre, il avait des parties de l’âme d’un artiste : il peignait bien, sculptait bien ; ses vers étaient bons, nonobstant une certaine emphase d’écolier[1], et, malgré tout ce que l’on put dire, il les faisait lui-même ; Suétone vit ses brouillons autographes couverts de ratures[2]. Il comprit le

  1. Suétone, fragm. de la Vie de Lucain.
  2. Suétone, Néron, 52.